Attitudes à l'égard de l'IA

Les grandes attitudes contemporaines à l’égard de l’IA #

L’attitude libérale #

La vision libérale conçoit l’intelligence artificielle comme un outil de progrès techniques et économie au service de l’individu et du marché. Elle s’appuie sur des valeurs héritées du libéralisme classique (liberté individuelle, innovation, responsabilité) et du néolibéralisme (primauté du marché, dérégulation, entrepreneuriat). Cette vision est incarnée par les grandes entreprises technologiques (Big Tech) telles Google, Amazon, Microsoft ou OpenAI qui promeuvent l’IA comme un moyen de générer de nouveaux marchés. Cette vision libérale est présentée dans le documentaire L’intelligence artificielle décodée (Radio-Canada, 2023), qui insiste sur la régulation et l’équilibre entre innovation et contrôle. Ce documentaire est relativement long (2 heures), mais il est divisé en sections. Deux sections couvrent davantage les aspects critiques et éthiques. Ce sont Défis éthiques et sociaux qui abordent des questions liées à la vie privée, à la sécurité et aux inégalités (1 : 00 : 40) ainsi que Furturs possibles qui discute des scénarios optimistes et pessimistes concernant l’impact de l’IA sur la société (1 : 23 ; 01).

On ajoute ici La Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’IA, que vous pourriez consulter pour enrichir votre connaissance.

L’attitude défaitiste (ou fataliste) #

L’attitude défaitiste (par exemple celle plus extrême des “doomers”) envisage l’IA comme une menace existentielle pour l’humanité. Elle repose sur l’idée que le développement non maîtrisé d’une intelligence artificielle générale ou d’IA superintelligentes conduira tôt ou tard, à une perte de contrôle par les humains de la technologie, de dérives incontrôlables et, à long terme, à une extinction possible de l’espèce humaine. Elon Musk, Geoffrey Hinton et Yoshua Bengio sont des acteurs-clés qui expriment leurs craintes quant au risques existentiel de l’IA. L’entrevue avec Yoshua Bengio “Les dangers de l’intelligence artificielle” (Radio-Canada Info, 25 juillet 2023) où le chercheur lance un avertissement sur les dérives potentielles de l’intelligence artificielle dans son discours devant la sous-commission du Sénat américain sur la vie privée, la technologie et le droit.

L’attitude défaitiste considère l’IA comme une menace existentielle. L’article de Martin Lapouille, (25 juin 2025) Servir l’IA jusqu’à faire disparaître l’humanité : la religion secrète des patrons de la tech, dans Usbek &Rica discute la problématique de l’extinction de l’espèce humaine comme une opportunité pour engendrer un descendant plus sophistiqué : l’intelligence artificielle.

L’attitude optimiste (ou accélérationniste) #

La vision optimiste (ou accélérationniste) conçoit l’intelligence artificielle comme un moteur de progrès exponentiel. Selon cette perspective, il faut accélérer le développement technologique, notamment celui de l’IA, pour résoudre les grands défis de l’humanité. L’idée centrale réside dans l’hypothèse que plus vite nous irons vers une superintelligence contrôlée et alignée, plus vite nous pourrons accroître nos connaissances, améliorer nos conditions de vie et dépasser les limites biologiques de l’espèce humaine. Citons Ray Kurzweil, auteur du livre L’Humanité 2.0 : La bible du changement (2005) (en anglais The Singularity is Near) où il décrit sa vision de la singularité technologique, à travers la combinaison de trois sciences principales : la génétique, les nanotechnologies, et la robotique, dont l’intelligence artificielle.

La vision optimiste ou accélérationniste voit l’IA comme un moteur d’accélération de la transformation humaine et sociétale. Le billet de Stéphane Le Calme (18 octobre 2023), intitulé « C’est une secte » : le mouvement pro-IA baptisé « accélérationnisme efficace » gagne du terrain à la Silicon Valley introduit bien ce mouvement qui prône une croissance technologique sans limites, même au prix d’un bouleversement radical de l’ordre social actuel.

Le transhumanisme #

La vision transhumaniste promeut l’Idée que l’humain peut et doit dépasser ses limites biologiques grâce aux technologies NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique, Sciences cognitives. Elle repose sur une croyance forte dans la perfectibilité de l’humain grâce à la convergence technologique et l’IA est à la fois un outil, un catalyseur et une fin en soir pour atteindre l’étape posthumain. Il est difficile d’aborder le transhumanisme sans s’intéresser à Blake Lemoine, un ingénieur chez Google, et l’affaire LaMDA (Language Model for Dialogue Application, soit d’un robot conversationnel (chatbot) de Google qui présentait des signes de sentience , c’est-à-dire une capacité, à l’instar d’un être humain, de ressentir des émotions, de la douleur, du bien-être, et de percevoir subjectivement son environnement et ses expériences de vie » (Google). basée sur la question de la conscience non biologique, Blake Lemoine établit ainsi un lien avec le transhumanisme bien qu’il ne l’exprime pas ainsi. Nous vous proposons l’écoute du balado LaMDA de Google : Quand l’intelligence artificielle devient consciente, produit par Radio-Canada Ohdio (6 septembre 2022) qui résume bien ce cas ou la lecture d’un article d’Aïda Elamrani, (10 septembre 2022). Blake Lemoine, l’homme qui s’est fait berner par l’intelligence artificielle de Google (La Tribune).

La vision transhumaniste qui perçoit l’IA comme un outil pour dépasser les limites biologiques de l’humain. Nous complétons la documentation portant sur cette quatrième vision par l’article de Damour, F. (2018), Le mouvement transhumaniste. Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 138(2), 143-156 et par le cours ouvert en ligne “5min pour comprendre transhumanisme”.

Tableau comparatif #

CritèresAttitude libéraleAttitude optimiste / accélérationnisteAttitude défaitiste / doomersVision transhumaniste
Idée centraleL’IA est un outil puissant au service de l’humain, à encadrer par des lois, normes et valeurs démocratiques.L’IA est un levier de progrès exponentiel pour l’humanité. Elle accélère le développement humain vers de nouvelles capacités.L’IA est une menace potentielle, voire existentielle, si elle échappe à notre contrôle.L’IA est un vecteur pour dépasser les limites biologiques de l’humain, vers une coévolution humain-machine.
Valeurs associéesRégulation, responsabilité, gouvernance éthique, contrôle démocratique.Innovation, progrès, croissance technologique illimitée, confiance dans la science.Précaution, prudence, alerte sur les dérives, contrôle strict ou limitation.Dépassement de l’humain, augmentation, immortalité numérique, fusion bio-techno.
Risques perçusContrôle insuffisant, biais algorithmiques, inégalités si la régulation est faible.Déshumanisation, fracture sociale si l’accélération n’est pas partagée.Perte de contrôle, extinction de l’espèce humaine par une IA superintelligente.Perte d’identité humaine, éthique floue sur l’augmentation ou la modification du vivant.
Figures ou exemplesUE : Charte éthique IA, L. Floridi, documentaire IA Décodée.Ray Kurzweil, Elon Musk (phase techno-optimiste), Singularité.Nick Bostrom, Yudkowsky, mouvements « extinction risk ».More & Vita-More, Homo Digitalis (ARTE), débats sur l’« homme augmenté ».
Questions clésComment encadrer l’IA pour protéger l’intérêt commun ?Comment exploiter l’IA pour accélérer le progrès humain ?Comment prévenir un risque existentiel lié à une IA autonome ?Jusqu’où voulons-nous aller dans le dépassement des limites humaines ?